Symbolisme


Origine du mot symbole : le mot symbole vient du grec sumbolon : il désignait un objet composé de deux parties, souvent une sorte de jeton, un morceau de poterie ou une tablette, brisé en deux pour permettre à deux personnes de se reconnaître en reconstituant ensemble l’objet initial. Dans le pythagorisme,  le mot « symbole » désigne une parole, un enseignement secret, avec sa double face : une expression énigmatique et un sens profond. A l’opposé du « symbolique » on trouve le « diabolique », ce qui divise (du grec diaballein, diviser, disperser, rendre confus). Jusqu’au début du XXe siècle, on dira « la symbole ».

La finalité du symbole : C’est un domaine quelque peu subjectif car la finalité ou la fonction du symbole varie en fonction du groupe ou de la collectivité qui fait usage du symbole et du langage symbolique. Il est évident que la finalité du symbole ne sera pas la même pour un athée matérialiste que pour un cherchant attiré par la spiritualité, qu’il adhère ou non à une religion particulière. Il n’y a aucun jugement de valeur dans cette constatation. Depuis l’antiquité jusqu’à nos jours, les sociétés initiatiques ont démontré que les cosmogonies et les systèmes de pensée peuvent être transmis par des symboles qui restent dépourvus de sens pour les profanes. Ces symboles ont pu se transmettre de génération en génération avec des commentaires oraux, souvent, avec des commentaires écrits, parfois, de sorte que leur interprétation ne s’est jamais tout-à-fait perdue.

Les architectes et les bâtisseurs médiévaux suivaient l’enseignement de l’apôtre Paul qui disait que l’ekklesia est semblable au corps humain et les plus cultivés d’entre eux évoquaient aussi l’architecte romain Vitruve qui prônait de semblables idées architecturales. De plus, la vie du chrétien devait s’ordonner autour de la personne et de l’œuvre du Christ si bien que les églises – sauf les plus petites- étaient bâties en forme de croix. Ainsi, la nef symbolisait le corps et les jambes du Christ sur la Croix, le transept ses bras étendus et le chœur sa tête. Dans quelques cas, la similitude a été poussée jusqu’à construire le chœur légèrement en dehors de l’axe longitudinal pour évoquer la tête penchée du Christ mort sur sa croix.

Organisation verticale de l’église: nef, tour ou flèche et crypte. La plupart des grandes églises sont construites sur une crypte; toutes ont des tours, des flèches ou des clochers. On interprétait ces trois catégories d’une façon symbolique: au Moyen-Age, les théologiens voyaient trois aspects dans l’Eglise chrétienne. L’Eglise Triomphante (les saints déjà au Ciel après une vie exemplaire), l’Eglise Militante (ceux comme nous qui sont sur la terre) et l’Eglise Souffrante (les morts qui n’ont pas vécu assez saintement pour aller directement au Paradis et qui sont au Purgatoire en attendant que leurs péchés soient effacés.) Logiquement, ces trois Eglises se retrouvent dans la structure du bâtiment : les tours et les clochers dressés vers le ciel suggèrent l’Eglise Triomphante. Au niveau du sol on trouve l’Eglise Militante (avec ces gens luttant contre le péché jour après jour). Enfin, la crypte représente l’Eglise souffrante (Purgatoire).

La construction sur trois étages de l’espace intérieur (grandes arcades inférieures, triforium, fenêtres hautes) correspondait à la hiérarchie sociale (les trois ordres, à savoir le clergé, les chevaliers, et les paysans) qu’on rapprochait aussi de la hiérarchie céleste telle que les manuscrits la dessinent. Il y avait  douze apôtres, donc chaque fois que c’était techniquement possible le chœur était fermé par douze colonnes; les cathédrales avaient trois portes principales, exactement le nombre de la Sainte Trinité, six représentait la perfection et l’achèvement (6 est un nombre parfait, car il est égal à la somme de ses diviseurs, 1, 2,3.). C’est pourquoi la forme hexagonale (octogonale parfois aussi) semblait la meilleure pour des fonts baptismaux. Naturellement, cinq évoque les plaies du Christ alors que dix, nombre des commandements, est un nombre de l’Ancien Testament, etc… Pour les théologiens médiévaux, chaque détail de la construction, même les plus petits, avait une signification spéciale: par exemple, la toiture représentait la Charité qui recouvre une multitude de péchés; la voûte signifiait le prédicateur qui exerce une poussée sur le poids mort des faiblesses de l’homme; les colonnes et les piliers faisaient penser aux apôtres, aux évêques et aux docteurs de l’Eglise; le pavage symbolisait la solidité de la foi ou bien l’humilité des pauvres.

« Ici-bas tout est figure, les êtres et les objets visibles sont, suivant l’expression de Saint Denys l’Aréopagite, les images lumineuses des invisibles »

Qui ne sait, en effet, nous déclare Saint Grégoire le Grand, que « l’Ancien Testament est la prophétie du Nouveau et le Nouveau la manifestation de l’Ancien » ? L’histoire sainte est une somme d’images ; tout arrivait aux Hébreux en figures, affirme saint Paul ; le Christ l’a rappelé maintes fois à ses disciples et lui-même s’est presque toujours servi, lorsqu’il haranguait les foules, de paraboles ou, si l’on aime mieux, de récits allégoriques qui lui permettaient, en montrant une chose, d’en dévoiler une autre.

La cathédrale était donc un ensemble, une synthèse ; elle embrassait tout ; elle était une bible, un catéchisme, une classe de morale, un cours d’histoire et elle remplaçait le texte par l’image pour les ignorants.

Le toit de la cathédrale est l’emblème de la charité ; les tuiles destinées à abriter le temple des pluies, sont les soldats qui protègent l’Église contre les entreprises des païens ; les pierres des murailles, soudées entre elles, certifient, d’après Saint Nil, l’union des âmes, et suivant Hugues de Saint-Victor, le mélange des laïques et des clercs qui constituent la société chrétienne, qui sont, dit-il, les deux flancs d’un même corps.

Et ces pierres, liées par le ciment qu’Yves de Chartres assimile à la charité, forment les quatre grands murs de la basilique, les quatre Évangélistes, selon le « Tractatus super oedificium » de Prudence de Troyes, et selon la traduction d’autres écrivains, les quatre vertus principales : la Justice, la Force, la Prudence, la Tempérance. Les fenêtres sont les emblèmes de nos sens qui doivent être fermés aux vanités de ce monde et ouverts aux dons du ciel ; elles sont garnies de vitres, laissant passer les rayons du soleil, du Soleil de Justice qui est Dieu ; elles sont encore, d’après la théorie d’Hugues de Saint-Victor, les Écritures qui éclairent, mais repoussent le vent, la neige, la pluie, similitudes des hérésies que le Père de la division et du mensonge forme.

La voûte est, d’après l’exégèse de l’anonyme du « Psalterium glossatum » du XIe siècle, l’image de la vie céleste, que les piliers sont les apôtres, qu’au dire de Durand de Mende, les colonnes que, de son côté, Petrus Cantor assimile, à cause de leur force, au Christ, sont les Évêques et les Docteurs qui soutiennent l’église par leur doctrine ; que le pavé stipule l’humilité et qu’il figure aussi, parce qu’il est foulé aux pieds, les labeurs mis au service de la Foi, des fidèles ; que le jubé, supprimé presque partout et remplacé par le coquetier, plus ou moins élégant de la chaire à prêcher, est l’emblème de la montagne du haut de laquelle parlait le Fils. (livre de Huysmans : Trois églises trois primitifs 1908)

La science des nombres, et en convergence, celle de la géométrie et de l’espace, exploitant le jeu subtil des proportions (nombre d’or) se retrouvent dans la conception même de l’espace architectural. Ainsi grâce aux repères fournis par la course du soleil, l’église est orientée selon les 4 points cardinaux, lesquels correspondent non seulement au schéma de la Croix mais aussi aux 4 lettres grecques composant le nom d’Adam, le Christ étant le nouvel Adam. Pénétrant dans l’église en se dirigeant vers l’Orient, point où le soleil (le Christ) se lève, le fidèle trouve à sa gauche, au nord les représentations « obscures » de l’Ancien Testament, tandis qu’à sa droite, au sud, triomphent les « lumières » du Nouveau Testament. (Gauche dans l’Antiquité : sinistre, senestre tandis que la droite est bénéfique, la dextre, dextérité qui s’oppose à la gaucherie).

Dans un cloître : les allées qui se croisent à angles droits rappellent les liens qui unissent le ciel et la terre. Le réseau en croix rappelle le cheminement des fleuves du Paradis. Les clés de voûte : le chou a longtemps symbolisé l’élévation de l’âme des défunts vers le soleil. A Périgueux ce n’est pas pour rien qu’il se trouve dans la galerie sud du cloître. Maxime le Confesseur a dit : l’église de pierre révèle un corps de chair.

Coupoles sur pendentifs : baldaquins – 4 orientations, le carré dit la matérialité de notre monde – le cercle est l’anneau de l’alliance d’éternité en éternité. St Front dit la mémoire de l’orient. L’architecture parle, les pierres crient. Soyons attentifs à ce qu’elles révèlent.